lundi 23 novembre 2020

Le Vénéré du monde présente une fleur

 

Koan n°6 du recueil « La Barrière sans porte » (Mumonkan)

 

« Jadis, le Vénéré du monde[1] avait réuni environ 500 fidèles et disciples au Pic du Vautour au nord de l’Inde où il se proposait de donner un enseignement. Au début de son discours il montre une fleur à la congrégation de disciples. Tout le monde observe le silence. Toutefois seul le Vénérable  Mahākāshyapa[2] sourit largement. »

En fait ce que le Bouddha a voulu démontrer, à travers son geste de présenter une fleur, c’est qu’il existe une vérité qui n’est exprimée ni par les paroles, ni par les écrits, en d’autres termes qui passe par une transmission non verbale. Et Mahākāśyapa est le seul de cette assemblée à comprendre le message du Bouddha. Cette prédication s’est terminée sans que le Bouddha ne prononce un seul mot. Il se contente de brandir une fleur, de l’exposer à l’assemblée des disciples. Ceux-ci restent surpris par cette action et ce qu’il a voulu dire en exposant une fleur.

Cette histoire n’est pas prouvée historiquement et peut-être bien qu’elle ne se soit jamais  passée dans la réalité. Elle s’est transmise de Maître à élève, de génération en génération, elle continue d’être connue et si l’on peut dire « méditée » encore aujourd’hui. Peut-on entrevoir avec ce koan ce que sont la vérité et l’esprit du Zen ?

Il existe « une vérité » en dehors des mots et ne dépend pas des écritures, elle est transmise en dehors de la doctrine.  Elle est transmise à Mahākāśyapa.

Le Bouddha exhibe une fleur dans ses doigts et Mahākāśyapa sourit. On admet que c'est là le symbole de la compréhension de Mahākāśyapa et le signe de la première transmission.

Un seul de ses disciples a souri. En voyant le sourire qui illuminait le visage de Mahākāshyapa il s’est tourné vers lui et lui dit : « C’est à toi que je transmets mon enseignement. »

 Lorsque Picasso peignit l’image ci-dessous, se doutait-il qu’il représentait le geste symbolique du Bouddha exposant la fleur ?

 


 



[1] Le Bouddha historique né autour de 563 avant notre ère. Toutes les sources s'accordent pour attribuer au bouddha historique une durée de vie de quatre-vingts ans, mais les estimations varient concernant les dates.

[2] Il est l’un des dix plus importants disciples du Bouddha Sakyamuni, reconnu comme le plus avancé dans les pratiques ascétiques et sa connaissance des règles dans les détails. Il devient gardien de l’ordre de la Communauté en l’absence du bouddha Gautama et après sa mort intervenue en l’an 549 de notre précédente ère.

 

vendredi 21 février 2020

Bodhidharma


On parle du vide de l’esprit. Il s’agit du vide de pensée. L’esprit, lui, est inqualifiable. Gare à celui qui comprend l’esprit, ou qui dit le comprendre. Celui qui comprend l’esprit ne le comprend pas et celui qui ne le comprend pas et qui dit ne pas le comprendre s’en approche. Qu’est-ce que l’esprit, d’où vient-il, où va-t-il, voila les questions qu’on se pose. Que certains se posent. De le chercher, on s’égare. Lorsque celui qui deviendra le 2° Patriarche du Zen, Dazu Huike (prononciation japonaise, 487 - 593) attendait toute la nuit dans la neige au point qu’au matin il s’y enfonçait jusqu’à la taille, un mot, une explication, un encouragement, un enseignement de Bodhidharma, devant l’entrée de la grotte où vivait et méditait le Maître, Bodhidharma ne daigna pas s’exprimer. Celui qui deviendra le deuxième Patriarche s’est alors coupé le bras gauche comme on le voit dans les peintures à l’encre de Chine ci-dessous en gage de sincérité et l’a présenté à Bodhidharma. Sa réponse fulgurante, sans appel, fût celle-là : « Tu m’as apporté ton corps maintenant apportes-moi ton esprit ». Le 2° Patriarche ne sût que dire, que répondre. Il finit par avouer : « Bien que je l’aie cherché, je ne l’ai pas trouvé ». Bodhidharma dit alors : « Dans ce cas j’ai pacifié ton esprit pour toi ».  
Il s’agit d’une légende. Mais il ne faut jamais oublier qu’une légende est toujours fondée sur une base de faits en partie réels. En conclusion :
            Si tu cherches tu ne trouves pas
            Si tu ne cherches pas tu trouves qu’il n’y a rien à trouver.
Certaines choses doivent rester sans réponses ! L’esprit !


 


Huike, le 2ème Patriarche méditant en s’appuyant sur son bras restant



Le bras de Huike est à terre


© Taïkan Jyoji 2011