samedi 27 décembre 2025

Zeste de Zen

 

Je ne suis pas un homme d’explications, mais plutôt de pratique. je ne comprends pas le Zen, je le vis mais ça ne se voit pas forcément. Je ne veux pas être le vendeur de mon Zen, ni ne faire sa promotion. Rien de tel que vingt minutes de méditation au quotidien pour entretenir vivant mon Zen…

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L’image de la nourriture ne remplit pas l’estomac !


                                                                  Moines zen en zazen à Shofuku-ji à Kobé
                                                                      

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J’aimerais finir cet ouvrage par un haïku du moine Ryokan (1758 – 1831) :

             Le voleur parti

            N’a oublié qu’une chose…

            La lune à la fenêtre

                                                           

On parle souvent dans la méditation Zen « des 3 appuis » : Mais qu’est-ce donc ? En zazen, le postérieur et les genoux, posture triangulaire qui permet d’assurer la meilleure stabilité possible, en fonction de la triangulation des trois éléments. Une fois la stabilité assurée on peut accéder à la stabilité de l’esprit.

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Lorsque la chair est opulente l’esprit s’enfonce. Ermites, moines errants, sont maigres et décharnés. Ainsi en est-il des jardins, des temples Zen : ils sont dépouillés.

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La compréhension de la Voie (Tao) n’est rien d’autre que « s’éveiller à son propre esprit ». (à sa vraie nature). Rappelons-nous la parole du fondateur de notre école : Une transmission en dehors des écritures. Ne pas s’attacher à l’étude des lettres. Aller directement à l’esprit/cœur. Atteindre la Bouddhéité en réalisant sa propre nature.

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« L’enseignement, c’est la pratique ! ». En d’autres termes : « Des ténèbres à la lumière ». La pratique de la méditation revient à se comprendre soi-même, à se découvrir soi-même, par soi-même.

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Mes activités aujourd’hui :

Je me consacre à la pratique de cet art martial qu’est le kyudo, plus qu’à la religion. Je me consacre aussi à la peinture à l’encre de chine, aux bains dans les eaux glacées de la rivière l’Eyrieux. Mais : mon bureau est en chantier avec plein de livres en cours de lecture.

Et aussi, je vais chiner des bouquins à la FNAC de Valence et ce petit libraire « L’oiseau siffleur ».

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S’éveiller à sa propre nature est le résultat de découvrir, réaliser, sa nature propre. Cela demande un peu de temps et de persévérance, d’assiduité. Tout ce que l’être humain ne sait pas faire.

Zeste de Zen

 

L’enseignement de Bodhidharma[1] se résume en une phrase : « Une transmission en dehors des mots et des écritures ». Comment interpréter cette phrase ? Le plus simplement possible. Mais être simple c’est compliqué. Un nombre important de personnes trouvent des solutions à leur mal être dans les livres. Particulièrement dans les livres sur la psychanalyse, la psychologie, le développement personnel. Cela aide à comprendre intellectuellement ses problèmes. Mais pas forcément à les résoudre. Or, ce que propose Bodhidharma c’est une expérience profonde de soi, unique, qu’on ne trouve pas dans les livres ni les écritures, mais dans la méditation Zen, pas dans les discours mais dans l’intériorisation. Le zazen (méditation au-delà de la réflexion) dans l’expérience profonde de soi-même.

 

Passer inaperçu

J’avais certainement le désir de passer inaperçu. Les Taoïstes s’entrainaient à passer inaperçus. Donc ils se faisaient remarquer. Aucun traité n’existe pour y arriver. En fait, il faut faire tout le contraire de « paraître ». Passer inaperçu, se faire discret, est un art. Il existe des gens qui sont naturellement discrets. Ils passent inaperçus dans la vie de tous les jours ou « tous les jours de la vie ». Ce qui revient au même. Donc passer inaperçu c’est être invisible aux yeux des autres. Ne pas se faire remarquer est une vertu. Rester discret, ce qui est impossible lorsqu’on n’en a pas l’intention. Au monastère du Shofuku-ji à Kobé, lorsqu’on voit, le commun des mortels ne le perçoit pas, vingt bonzes ou moines Zen alignés les uns à côté des autres, en zzen, sans qu’une tête ne dépasse est vraiment impressionnant.

 

             

                                                             Taïkan Jyoji du temps de sa splendeur

Je ne vivrai pas assez vieux

Pour être témoin de ma mort

                                  T.J.

 

 Proverbe chinois : « Mieux vaut être le maître d’un savoir-faire qu’un touche-à-tout ».

                                « Point n’est besoin de croire en Dieu pour réaliser sa nature profonde »

 

 La maitrise d’un art, la méditation en est un, ne va pas sans peine ni obstination. D’ailleurs, même dans un Samadhi profond on peut se demander si on a atteint, si on a réglé ses problèmes d’être humain. Moi qui ai habité douze ans au Japon, j’ai remarqué que dans ce pays on s’appliquait et s’impliquait beaucoup pour que les choses soient bien faites, faites avec le cœur. Être « Un » avec ce qu’on fait au moment où on le fait est l’idée première du Zen. Cela vient du Taoïsme et avant ça du Confucianisme déjà. Confucius a dicté des règles de comportement dictant l’impeccabilité. Faire bien les choses est une Voie (Tao) « Do » en japonais, à appliquer au quotidien, bon an mal an. Dans les monastères au Japon, le programme quotidien est un peu basé sur les principes de Stakhanov (1905-1977).

 

Levé à 4 heures du matin, couché à 23 h, entre les deux, à part de petites interruptions-siestes, on est tout le temps actif. Même assis sur un coussin de méditation on est actif. La méditation Zen appelée zazen est une pratique physique. S’asseoir sur un coussin, en tailleur, demi-lotus ou lotus, s’absorber sur ses respirations et non sur ses pensées, est un travail physique.

 

 Pourquoi « Paraître » ? La toute première raison vient d’un manque de confiance en soi. Plusieurs éléments servent à paraître, à se faire remarquer : les jeans déchirés aux genoux. On n’en a pas encore vu « déchirés aux fesses ». Ça viendra surement. La coupe de cheveux : longs, courts, teints, rasés. La coupe rasée est celle des moines bouddhistes. Ils se rasent pour ne pas parader ou paraître. Mais les séminaristes chez nous reçoivent la tonsure, ce qui est aussi une manière de se faire remarquer. Mais il existe bien d’autres formes de se faire remarquer en dehors d’expression corporelles. Il y en a, même avec peu de moyen, qui sont complètement dépouillés spirituellement. Oh ! que j’aime ce mot. « Dépouillé » évoque les guenilles. Peut-être même qu’il a son origine dans le mot dépenaillé. Toujours est-il que de s’habiller de guenilles permet aussi de se faire remarquer. Tout compte fait, entre les jeans déchirés, les cheveux en forme de banane, les piercings, les tatouages, il existe plein de moyens de se faire remarquer. D’une manière plus ou moins importante et esthétique.

 

Il n’est jamais trop tard pour devenir ce qu’on aurait pu être.

G. Elliot

 

 Le tao a ceci de particulier qu’il contient, lorsque pratiqué dans l’esprit, la réalisation de soi. On peut (se) poser la question : « En quoi consiste la réalisation de soi ? ». Elle se produit lorsque toutes les parcelles de soi ont été explorées, et surtout, acceptées par soi-même. S’accepter tel qu’on est, et plus loin, tel que l’univers est. Cela ne veut pas dire accepter tout ce qui va mal, cela contient aussi, faire en sorte que tout se passe bien sur la planète. Vaste programme, là où la pollution n’est pas abolie.



[1] Fin Vème début VIème

 

dimanche 9 novembre 2025

Noirceur de la nuit

 

Au temps de Schopenhauer on s’occupait de l’art de se connaître soi-même. Sans connaître évidemment les différentes techniques de respirations (rares étaient les personnes qui connaissaient, en Occident, les techniques de respirations yogiques ou bouddhistes ou hindouistes). Rares étaient les moines naturels se penchant sur leurs respirations naturelles à l‘activité pénétrante de l’esprit.

 Pour la sudation on prend des bains spéciaux sudation. Je ne vois pas l’intérêt de se faire poser ce genre d’installation. Une bonne douche avant de se coucher et non le matin avant d’aller travailler. Au Japon, on prend son bain (ofuro) le soir en rentrant du boulot. Cela détend la musculation, ainsi on est frais dispo pour la soirée qui commence par le repas, suivi d’un match sumo … Tout ça dans la décontraction. Pas besoin de bains de vapeur. Qu’ai-je besoin de bains de vapeur sudorifiques ?

Définitivement, j’aime ne rien faire. Même faire de l’ordre sur mon bureau me pèse. Et je ne parle même pas de la table du salon, ni de la table de la cuisine. Chez moi un buffle ne retrouve pas son bufflon. En d’autres termes, je travaille à ne rien faire. Du coup, je me demande si ne rien faire est une activité ?                                                                      

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                      Les premiers rayons de soleil du matin

Enlèvent

La noirceur de la nuit.

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Quand on rentre dans un monastère Zen ce n’est pas pour se regarder le nombril. Il faut vouloir développer des aspirations spirituelles. La rigueur est telle que si on ne sait pas ce qu’est l’esprit on va vite le découvrir. « Vite » n’est pas le mot qui convient véritablement, car « l’esprit » personne ne sait ce que c’est véritablement. Après sept ans de vie monastique, je ne sais toujours pas ce qu’est l’esprit. Peut-être qu’au moment de la mort, je ne désespère pas de savoir ce qu’est l’esprit. Et si l’esprit n’était rien : le vide, le néant, le rien, ce qui est déjà quelque chose puisqu’on le nomme.

 Cela fait une belle lurette qu’on écrit des livres sur le bien et le mal, la sagesse, on devrait avoir une humanité à la sagesse parfaite. Toutes les religions s’y sont mises. Mais rien n’y fait. Même c’est de pire en pire. L’impeccabilité de l’être humain n’est pas pour demain.

 La mollesse d’esprit nous condamne à la débilité. J’ai ma part de mollesse en moi, donc ma part de débilité. Du coup je pratique une méditation quotidienne qui me maintient à peu près normal. Je repousse des sollicitations, aujourd’hui je n’ai besoin que de peu de choses. J’ai réussi à me raisonner et ne suis pas un acheteur compulsif, ce que je n’ai jamais été contrairement à certaines personnes, pour assouvir de faux « besoins ».

                                                                  

Avant une séance de méditation il est important de se sermonner quelque peu, par exemple se dire de ne pas penser aux millions de choses qui passent dans la tête, toutes ces choses surement utiles en temps ordinaires mais qui sont parfaitement inutiles pendant une séance de zazen.

 Atteindre la non pensée pendant zazen demande un effort considérable pendant le temps d’une séance de zazen, qu’elle soit courte ou longue.

 Violence : Je regarde la plupart du temps, quand je regarde la télévision, la chaîne sportive. Il n’y avait pas de foot hier soir. Alors je regarde le film proposé : The gun. Quelle violence ! Au bout d’un moment, ne supportant plus cette violence, je change de chaîne et que vois-je ? La même violence sous d’autres formes, avec d’autres acteurs. Mais de la violence quand même, il y a les mêmes morts tués avec une balle dans la tête ou en plein cœur ou, on ne sait où d’autre. Et je suis persuadé que les films qui passent sont sur les réseaux sociaux, internet ou sur la chaîne TV en cours.

                                                            * * *

 Ce que le bouddhisme appelle « esprit » est le principe à la fois de la vie, de la conscience et de la pensée.

dimanche 31 août 2025

Ne rien faire...

 

Savoir ne rien faire est un réel bonheur. Je m’y astreins à l’envi. Qui a vu mon bureau me comprendra parfaitement. Pourtant des amis de passage me disent : « J’aime votre bureau ». A la bonne heure : Ils ne savent pas les crises d’angoisse que ça m’occasionne de vivre dans le désordre. Mais : on aime mon bureau… Pour moi ce bureau est sudorifique.

Souvent je travaille à ne rien faire et je trouve ça jouissif. Depuis quelques temps je repousse toutes mes occupations.

TJ

vendredi 10 décembre 2021

Le vide n’a ni commencement ni fin.

           
Le vide n’a ni commencement ni fin.

Ni proue ni poupe,

Ni queue ni tête…

 T. J.

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Aujourd’hui dimanche, jour de baignade. Comme tous les dimanches en hiver. 28 novembre, la flotte est froide, très froide, suffisamment froide pour en faire un jour de baignade. C’est mon ascèse spirituelle hebdomadaire en hiver. 

Pourquoi « spirituelle » ? Parce que l’ascèse est spirituelle. Si elle n’était pas spirituelle, l’ascèse ne présenterait aucun intérêt ! Donc, s’il y a quelque chose qui est sans intérêt c’est de me baigner en été, là où l’eau est presque chaude, en tous cas bien tiédasse, avec plein de monde qui se dorlote au soleil.

Ma marche réchauffante terminée, je descends dans ma flaque, un peu plus qu’une flaque d’ailleurs, un peu moins qu’une mare, comme la photo le montre. Esthétiquement on ne fait pas mieux. Les feuilles d’acacias jonchent la mare, ou la gouille, comme on dit en Helvétie francophone. 

Donc : j’ai marché trente minutes, j’ai chaud, l’eau m’attend. Je me déshabille, je ne choquerai que les rouges-gorges philosophes qui m’observent, et rentre tranquillement, inutile d’aller vite car je n’y arrive pas, je chante à tue-tête mes formules magiques, sacrées, secrètes, pour stimuler ma détermination, pas trop fort quand même pour ne pas alerter les éventuels passants de la proche « Dolce Via », et, ça y est, j’ai de l’eau jusqu’au cou, je compte jusqu’à trente à la vitesse d’une limace et là, j’ai ma dose de spiritualité, je sors, tremblant, glacé, content…

lundi 26 avril 2021

SHOKUJO KORE DOJO

Extrait du livre « Exhortation Zen » de Taïkan Jyoji



Ce soir je voudrais donner quelques explications sur la signification de la calligraphie exposée dans le Zendo : SHOKUJO KORE DOJO : « Là où on est, c’est l’endroit pour pratiquer la Voie  » (sous entendu de réalisation de soi). Le Zen n’est pas que zazen (méditation assise jambes croisées). Il peut l’être le temps d’une session, généralement d’une semaine, au cours de laquelle l’accent est mis sur l’assise posturale. Où chez soi lors de sa pratique quotidienne.
Mais la vie de tous les jours est également l’occasion de pratiquer la Voie, là où l’on est. Lorsqu’on se concentre et qu’on s’absorbe volontairement sur ce qu’on est en train d’exécuter, on pratique la Voie. Chaque instant de la vie de tous les jours peut être l’occasion de pratiquer la Voie, d’être « Un » avec ce qu’on fait au moment où on le fait, de réaliser sa nature profonde. Le Zen est action. Dans l’action aussi, on peut s’unir à l’Absolu.

Dans l’Anthologie des citations de la Forêt Zen on lit ceci :
« Point n’est besoin de collines et de ruisseaux pour une méditation tranquille. Lorsque l’esprit est apaisé, même le feu est rafraichissant. »
La Voie se pratique là où l’on se trouve. Le Chemin commence à se pratiquer à l’endroit même où l’on est. On ne peut invoquer l’absence d’un lieu idéal pour s’engager dans une pratique d’émancipation. Là où vous êtes peut-être le lieu idéal pour se réaliser, où pour chercher la réalisation. L’attention donnée lors des actes de la vie quotidienne, c’est la pratique de la Voie. Faire plusieurs choses empêche de s’engager globalement dans une seule chose.

Cette calligraphie du Maître Taïtsu Khono encourage à vivre une action, seulement celle de l’action en cours.



lundi 23 novembre 2020

Le Vénéré du monde présente une fleur

 

Koan n°6 du recueil « La Barrière sans porte » (Mumonkan)

 

« Jadis, le Vénéré du monde[1] avait réuni environ 500 fidèles et disciples au Pic du Vautour au nord de l’Inde où il se proposait de donner un enseignement. Au début de son discours il montre une fleur à la congrégation de disciples. Tout le monde observe le silence. Toutefois seul le Vénérable  Mahākāshyapa[2] sourit largement. »

En fait ce que le Bouddha a voulu démontrer, à travers son geste de présenter une fleur, c’est qu’il existe une vérité qui n’est exprimée ni par les paroles, ni par les écrits, en d’autres termes qui passe par une transmission non verbale. Et Mahākāśyapa est le seul de cette assemblée à comprendre le message du Bouddha. Cette prédication s’est terminée sans que le Bouddha ne prononce un seul mot. Il se contente de brandir une fleur, de l’exposer à l’assemblée des disciples. Ceux-ci restent surpris par cette action et ce qu’il a voulu dire en exposant une fleur.

Cette histoire n’est pas prouvée historiquement et peut-être bien qu’elle ne se soit jamais  passée dans la réalité. Elle s’est transmise de Maître à élève, de génération en génération, elle continue d’être connue et si l’on peut dire « méditée » encore aujourd’hui. Peut-on entrevoir avec ce koan ce que sont la vérité et l’esprit du Zen ?

Il existe « une vérité » en dehors des mots et ne dépend pas des écritures, elle est transmise en dehors de la doctrine.  Elle est transmise à Mahākāśyapa.

Le Bouddha exhibe une fleur dans ses doigts et Mahākāśyapa sourit. On admet que c'est là le symbole de la compréhension de Mahākāśyapa et le signe de la première transmission.

Un seul de ses disciples a souri. En voyant le sourire qui illuminait le visage de Mahākāshyapa il s’est tourné vers lui et lui dit : « C’est à toi que je transmets mon enseignement. »

 Lorsque Picasso peignit l’image ci-dessous, se doutait-il qu’il représentait le geste symbolique du Bouddha exposant la fleur ?

 


 



[1] Le Bouddha historique né autour de 563 avant notre ère. Toutes les sources s'accordent pour attribuer au bouddha historique une durée de vie de quatre-vingts ans, mais les estimations varient concernant les dates.

[2] Il est l’un des dix plus importants disciples du Bouddha Sakyamuni, reconnu comme le plus avancé dans les pratiques ascétiques et sa connaissance des règles dans les détails. Il devient gardien de l’ordre de la Communauté en l’absence du bouddha Gautama et après sa mort intervenue en l’an 549 de notre précédente ère.

 

© Taïkan Jyoji 2011