mardi 26 avril 2016

Exhortation Rohatsu 2014, 7ème soir

Vendredi 7ème soir

La sesshin de Rohatsu ne se passe pas sans laisser de traces ! Un poète de haïku, Hosaï, écrivait quelque chose comme : « Je me lave l’esprit - en écossant mes petits pois. » On considère dans le Zen que les activités les plus banales, terre à terre, se laver, conduire une voiture, éplucher des légumes, peuvent devenir des tremplins pour la pratique du zazen lorsqu’on les pratique dans l’esprit du zazen. C’est ce qu’on entend par : « il existe 84 000 Voies qui mènent à la réalisation ». Alors, de retour chez vous, avec les marques du coussin aux fesses allez-y à fond dans la pratique de vos diverses activités. Plus, pour cette sesshin, je ne peux pas dire.

Commentaires de l’exhortation du vendredi 7ème soir : 

La pensée permet de structurer sa vie. La non-pensée de voir dans sa véritable nature et de la réaliser ! Rester seulement dans la pensée équivaut à vivre seulement avec ce qui se trouve dans la citrouille. Réaliser sa véritable nature revient à vivre sa nature authentique. Les deux sont nécessaires car il faut bien penser un petit peu, avec une certaine « dose de proportionnelle »… Il faut de tout pour faire une vie ! 
Vivre [avec] sa véritable nature est la situation idéale. Mais y parvenir exige d’y consacrer un « certain temps ». Arriver à la non-pensée n’est pas devenir idiot contrairement à ce que certains disent. Les pires sont ceux qui rabâchent et vous servent sur un plateau ce qu’ont dit certains maîtres du passé concernant l’inutilité du zazen. Bien sûr, en s’adressant à un disciple, un adepte, une sangha, lors d’un événement particulier, d’une certaine occasion, certains ont dit quelque chose qui « ressemble », si on le lit superficiellement, à une condamnation du zazen : 
- Matsu (jap. Baso, 709/788) pratiquait zazen seul. Nan-Yüeh (jap. Nangaku, 677/744) le vit et dit : « Ton zazen est impressionnant mais tu cherches quoi au juste ? » Matsu répondit : «  J’essaie de devenir un Bouddha. » Nan-Yüeh prit alors une tuile et se mit à la frotter. Matsu lui demande : « Qu’essayez-vous d’obtenir en polissant cette tuile ? » Nan-Yüeh : « En faire un miroir. » Matsu : « Même en la polissant [mille ans] vous ne pourrez en faire un miroir. » Nan-Yüeh : « Penses-tu devenir un Bouddha en pratiquant zazen ? » 
 - Le 6ème Patriarche du Zen, Hui Neng, (mort en 713), par qui le Zen se déploya dans toute la Chine, disait que « simplement stabiliser l’esprit et le contempler est une maladie, ce n’est pas faire zazen. » 
 - Rinzaï (mandarin : Lin Tsi, mort en 866-867) : « Adeptes de la Voie, quand je dis qu’il n’y a pas de Dharma (doctrine) à chercher au-dehors, les pratiquants ne me comprennent pas et pensent qu’il faut la chercher en dedans d’eux-mêmes. Alors, ils s’assoient et restent sans bouger, la langue collée au palais, plongés en méditation. Ils ont tout faux ! » 
Je voudrais, à ce stade, mettre les «i» sous les points. Tous ceux qui ont gravi l’Everest, ou qui ont tenté de le faire, ou qui y sont morts, se sont d’abord rendus au camp de base situé à 5 364 mètres d’altitude. Et ce camp de base on l’atteint après 8 jours de marche… Accéder au camp de base c’est pour le Zen accéder à la non-pensée, le samâdhi. Pour l’ascension de l’Everest les vraies difficultés commencent à partir du camp de base. Même la marche d’approche ne ressemble pas à une petite promenade de santé. Il en va de même pour arriver au samâdhi. Malgré la participation à plusieurs sesshins, à Rohatsu, au zazen quotidien chez soi, à une certaine hygiène de vie, le « camp de base » est parfois encore loin. Et quand on y est c’est là que les choses sérieuses commencent ! Arriver à l’état de samâdhi équivaut à rejoindre sa nature originelle, celle qu’on a toujours possédée mais dont on n’a jamais été conscient. Autrement dit cela correspond à « rentrer à la maison », au retour à son état normal, celui dont on se demande comment on a fait pour le quitter… et devenir ce qu’on aurait toujours dû être. C’est pourquoi, parfois, les maîtres du passé disent qu’il n’est pas nécessaire de faire zazen dès lors qu’on a retrouvé son être originel. Mais ils l’ont dit après avoir atteint le camp de base, donc après de nombreuses années de zazen, puis l’avoir dépassé, puis gravi le sommet, puis redescendu, car la réalité de la vie n’est pas à 8 848 mètres. Quand on arrive à son « camp de base », c’est là que tout commence car c’est là qu’on atteint sa propre base. Et en arrivant là on réalise que c’est là qu’on aurait toujours dû être et qu’on se demande comment il se peut qu’on ne s’y soit pas installé en permanence ! Donc leur soi-disant dénonciation du zazen ne sont que des mises en garde pour ceux qui pourraient se contenter de la quiétude du samâdhi ou qui penseraient que zazen permet d’obtenir une nature autre que celle que l’on possède depuis toujours ! 
Ceux qui du fond de la boue dans laquelle ils se vautrent et s’y complaisent citent certaines paroles des anciens sans jamais s’être engagés dans une pratique, qui parlent des montagnes sans les avoir jamais gravies, vaguement aperçues dans le lointain, sont ceux qui se justifient face à leur frigidité à se croiser les jambes assis sur un cousin ou qui renoncent après leur premier balbutiement. 
Lorsque, pour la toute première fois, on s’assied sur un coussin de méditation, c’est l’Eveil qui est en soi qui se manifeste. Car l’Eveil contient la pratique et la pratique contient l’Eveil. Mais à des degrés divers ! La pratique n’est pas un moyen pour atteindre le but, l’Eveil, ou l’état de Bouddha. La pratique elle-même est réalisation et Eveil. Dès la première seconde où on s’assied en zazen, l’Eveil est là. La pratique elle-même est le but. 
Pour terminer les commentaires des exhortations du « Rohatsu 2014 » je vous révèle les Fondements de l’enseignement du Zen : sans pratique, pas d’accès au camp de base ; sans camp de base pas d’accès au sommet de l’Everest. 
Je viens de quitter le « camp de base », venez me rejoindre avec vos tongs, votre cache-nez et votre coussin de zazen en bandoulière. 

Sherpa Jyoji

8 commentaires:

  1. Merci Taïkan pour votre livre "Sur les traces de Nives"
    Certaines experiences de vie en tous cas nous mettent face à un grand vide ...je commence à l'aimer ce vide !!!!! un petit début ..je vous embrasse sophia

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  2. Eh oui !
    Si un jour je reviens,je vous demanderais seulement :
    -" Qu'est-ce que je dois faire ?"

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  3. Eh oui !
    Si un jour je reviens,je vous demanderais seulement :
    -" Qu'est-ce que je dois faire ?"

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  4. Tout cela n'est que le signe de mon ignorance.
    Ah, si maintenant, je pouvais être comme vous.

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  5. Tout cela n'est que le signe de mon ignorance.
    Ah, si maintenant, je pouvais être comme vous.

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  6. Tout cela n'est que le signe de mon ignorance.
    Ah, si maintenant, je pouvais être comme vous.

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  7. Tout cela est comme un rêve, une illusion, une fantasmagorie.
    MU.

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  8. Tout cela est comme un rêve, une illusion, une fantasmagorie.
    MU.

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© Taïkan Jyoji 2011