jeudi 16 novembre 2017

La touffe d'oeillets d'Inde...




Les dernières tomates ramassées,
Les côtes de blettes mangées par la biche.
Il ne reste que le persil, vert,
La mauvaise herbe,
Et une touffe d’œillets d’Inde.
Au fond du jardin, le Bouddha bouddhisant.
 
T. J.

16 novembre 2017

jeudi 2 novembre 2017

Zen et Action juste




Guillaume Apollinaire dans sa courte nouvelle « L’infirme divinisé » écrit : « … hier n’est pas pour moi, non plus que demain, et rien n’existe qu’aujourd’hui… » On peut même dire : que maintenant !

L’Action juste dans le Bouddhisme fait partie du Noble Sentier Octuple. Dans l’ordre : La compréhension juste, la pensée juste, la parole juste, l’action jute, les moyens d’existence justes, l’effort juste, l’attention juste, la concentration juste. En quoi consiste l’action juste ?  « Avoir la volonté d’éviter les actions portant atteinte aux bonnes mœurs. » Vaste programme moral. Lorsqu’on suit les « Enseignements du Bouddhisme » à la lettre, on peut se perdre. Le Zen donne un sens très pragmatique à l’action juste. Il ne s’agit pas de s’emberlificoter dans l’application d’un principe, aussi noble soit-il, mais de vivre complètement l’action qui est en cours d’exécution.
Revenons un peu en arrière. Le Zen est né en Chine au début du 6e siècle par un moine présumé indien, Bodhidharma[1], à une époque où Confucianisme et Taoïsme existaient depuis mille ans déjà. Ce qui fait que le Zen, courant du Bouddhisme qui a joué un rôle religieux et historique très important en Chine, en Corée et au Japon se trouvait très imprégné de Confucius et du Tao (tout  comme d’ailleurs le Bouddhisme à l’arrivée du Bouddha historique était imprégné d’Hindouisme).
Si bien que dans le Zen « l’Action juste » prend une autre tournure. Elle est en relation étroite avec l’instant présent et l’action en cours. Je m’explique : Passé et futur n’existent plus ou n’existent pas encore. Ou, s’ils existent, existent dans notre tête par la pensée. C’est maintenant que je pense à hier, à la semaine dernière, à l’an dernier. Il en va de même pour le futur. Maintenant je pense à ce qui se passera après, plus tard, bientôt. Si bien que le seul moment qui existe vraiment c’est le moment présent. Mais il se trouve que vivre ce moment présent est bien difficile. Il oblige, pour être vécu globalement, de le faire dans la non-pensée. Exemple : Je suis en train de balayer, tâche très noble contrairement à ce qu’on pense. Si tout en balayant je pense à ce que je devrai faire demain, à ce que j’ai oublié de faire hier, du coup, je ne suis  plus dans ce que je fais, au moment où je le fais. Mon corps est d’un côté, ma tête de l’autre !
L’état de non-pensée se dit en sanscrit « samādhi » et s’acquière par le zazen[2]. Il s’agit d’un état d’absorption et de concentration très difficile à atteindre. Mais c’est de lui qu’émerge son soi profond. Personnellement il m’a fallu de nombreuses années avant d’arriver à la cessation de la pensée.
Contrairement au Yoga qui enseigne de nombreuses formes de respirations, dans le Zen (école Rinzaï) il n’en existe qu’une. Et si en Yoga on « travaille » sur les sept chakras principaux, dans le Zen on se fond dans un seul chakra, celui de l’ombilic, appelé « royal » car il contrôle tous les autres. En japonais on l’appelle tanden, il est situé légèrement au-dessous de la zone ombilicale.

Lorsqu’en zazen, on s’absorbe sur le souffle, et sur le souffle seulement, et qu’on ne laisse pas passer les pensées (car « laisser passer les pensées » c’est encore une manière de penser) mais qu’on se concentre sur son principe de vie même, la respiration, dès lors que vivre c’est respirer, alors les pensées, bien que tenaces au plus haut point, finissent pas s’atténuer, et  de moins en moins à s’imposer dans sa boîte crânienne… bref, à lâcher prise.
A quoi tout cela sert-il ? Et bien à être appliqué et impliqué dans son activité quotidienne, dans sa vie de tous les jours. Tout naturellement, sans avoir à y penser vraiment, le fruit des efforts qu’on a fourni en zazen pendant quelques années se manifeste lorsqu’on exécute une besogne, une tâche, un travail, bref, un exercice : Un état d’union entre le corps, l’esprit et l’action présente. C’est le moment de fusion de soi et de l’univers. C’est aussi le moment où on rejoint les 4 phrases de Bodhidharma par lesquels il défini les bases du Zen :

            Une transmission spéciale en dehors des textes
            Ne dépendre ni des mots ni des écritures
            Montrer directement à chaque homme son esprit originel
            Voir dans sa vraie nature et instantanément réaliser sa Nature-de-Bouddha

Ainsi l’action juste dans le Zen c’est ça : En se fondant dans le présent on met en miette passé et futur.



Bâton d’Eveil
Peint par Mumon Yamada :

            « Si tu parles, trente coups
            Si tu ne dis rien, [également] trente coups »

Ne reste alors « juste l’action » à exécuter














[1] Portrait imaginaire représentant Bodhidharma. Peinture à l’encre de Chine de Mumon Yamada, Maître de l’auteur de l’article
[2] Littéralement « l’assise zen »
© Taïkan Jyoji 2011