Je
voudrais présenter le 1er paragraphe d’un livre publié en 1973 par
« The Institute for Zen Studies » à Kyoto, créé par le Maître Yamada
Mumon :
Dialogue entre Maître
Nyuri et son disciple Enmonn[1]
1.
La Voie est profonde et vide, sublime et éternelle,
au delà de toute compréhension, au delà
de toute formulation verbale. Ici sont provisoirement mis en scène deux
personnages qui tous les deux s'entretiennent de la véritable nature de la réalité : un maître nommé Nyuri et un
disciple appelé Enmonn. Présentement, Maître Nyuri est calme et
silencieux. Soudain Enmonn bondit sur ses pieds et demande à Maître Nyuri :
-
Qu’appelle-t-on "esprit" ? Comment le "pacifier"
?
Le Maître répond :
- Vous n'avez nul besoin de supposer
l'existence d'un esprit, ni de particulièrement vous efforcer de le
pacifier. On peut dire que c'est cela « pacifier l'esprit ».
2. Question : - Si il n'y
a pas d'esprit comment pouvons-nous
étudier la Voie ?
Réponse :
- La Voie n'est pas une chose
à laquelle l'esprit puisse penser, comment concernerait-elle l'esprit?
3. Question :
- Si l’esprit ne peut y penser, comment pourrons nous jamais y accéder ?
Réponse : - Avoir des
pensées, c‘est avoir un esprit. Avoir un esprit contredit la Voie. Ne pas avoir
de pensée c'est ne pas avoir d'esprit.
Ne pas penser est la vraie Voie.
4.
Question : - Tous les êtres vivants ont-ils un esprit ou non ?
Réponse : - Croire que tous les êtres vivants ont un esprit, c'est une
perversion.
C’est seulement parce qu'on édifie un
« esprit » dans le « non esprit » que des pensées
illusoires prennent place.
5.
Question : - Quels sont les attributs du « non esprit » ?
Réponse : - Le « non esprit » c'est le sur le champ le « non objet ». Le « non
objet » c'est la nature elle-même.
La nature elle-même est la Voie.
6.
Question : - Comment les pensées illusoires des êtres vivants
peuvent-elles être détruites ?
Réponse : - Tant que l’on considère les pensées illusoires et que l’on
envisage de les détruire, on ne s’en débarrassera jamais.
7.
Question : - Sans leur destruction ou élimination, comment est-il possible de se mettre en accord avec la Voie ?
Réponse : - Aussi longtemps que l’on parle de se mettre en accord ou
pas en accord avec la Voie on ne peut pas davantage se libérer des pensées
illusoires.
8.
Question : - Alors, que dois-je faire ?
Réponse : - Ne rien faire. Voilà tout !
Lorsqu’à la fin le Maître Nyuri
dit : - Ne rien faire. Voilà tout ! Il ne dit pas qu’il faut se
tourner les pouces. Il explique tranquillement à son disciple tenaillé
que : « aussi longtemps que l’on parle de se mettre
en accord ou pas en accord avec la Voie on ne peut pas davantage se libérer des
pensées illusoires ». Les questions que posent les élèves du Zen
sont toujours des tentatives pour arriver à l’éveil avec sa tête. En ce qui me
concerne, la théorie du Zen ne m’a jamais été utile dans ma quête. « La pratique avant tout » a
toujours été et sera toujours ma seule théorie. De plus, même si j’enseignais
la théorie du Zen tout le monde n’écouterait pas, perdu qu’il est dans ses
pensées fusantes. Et en admettant qu’on m’écoute, beaucoup ne me comprendraient
pas, ou comprendraient ce qui les arrangent, ou distordraient mes propos. Mon enseignement à moi c’est de m’asseoir avec mes élèves et qu’ensemble on
approfondisse son zazen, on l’élargisse et qu’on rentre dans les abîmes de
soi-même. Les mots ne vont pas vous faire faire l'expérience de vous-mêmes. Ne
vous leurrez pas !
[1]
Ce paragraphe est le premier de la traduction anglaise « Dialogue on the
contemplation-extinguished » publié par The Institute for Zen Studies en
1973 et traduit pas Gishin Tokiwa. Je remercie Daniel L. et André M. d’avoir
traduit ce paragraphe en français.