vendredi 30 janvier 2015

Exhortation Rohatsu 2014, 2ème soir


Dimanche 2ème soir :
Lorsque le 5ème Patriarche du Zen donna ses instructions à son successeur, Huineng (Eno Taikan en japonais), le 6ème et dernier Patriarche (puisque c’est par lui que le Zen se déploya dans toute la Chine), il lui dit, entre autres : « en ce qui concerne le principe fondamental du Zen, l’Eveil, il est à réaliser par les êtres humains par leurs propres efforts ! ».
Aucun enseignement ne pourra arriver à cet Eveil. Les enseignements ne sont d’aucune utilité car le processus « d’explorer à fond » n’utilise pas les mots. Donc : explorez à fond en tournant vos regards vers l’intérieur. C’est avec son intuition spirituelle qu’on explore.

Commentaires de l’exhortation du dimanche 2ème  soir :
Si on ne le savait pas encore, la raison pour laquelle on pratique Zazen, qu’on participe à ce Rohatsu, à n’importe quel Rohatsu, à n’importe quelle sesshin, c’est une raison claire, un but bien précis : « faire une expérience profonde de soi ». On l’appelle de différentes façons : Eveil, Satori, Illumination, Réalisation de soi, Kenshō, etc. Peu importe le nom qu’on lui donne. Seule une pratique intensive du zazen dans le Zendo, si c’est cet « outil » qu’on a choisi pour arriver à cette expérience, permet d’y parvenir. Les paroles que nous voudrions entendre ne nous y amèneront pas. 
Indépendamment de mon peu de goût pour faire sermons et discours, il est évident que cette sesshin particulière, annuelle, ne doit pas contenir autres choses que des zazens qui s’enchaînent les uns à la suite des autres. « Explorer à fond » ne supporte aucune coupure, aucune distraction.
Si on se réunissait dans le Dojo pour un « enseignement », dès lors qu’il ne s’agit pas d’une séance de zazen formelle, au bout de quelques minutes tout le monde serait en train de gesticuler comme un ver de terre coupé en deux. Ne procédons pas ainsi. « L’étude » du Zen se fait assis sur un coussin. Restons plongé dans la méditation. La faiblesse et la stupidité de notre esprit sont telles qu’il ne faut leur accorder aucune relâche. Pendant Rohatsu on ne doit avoir qu’une chose en tête et ne jamais en avoir d’autre : Zazen. Et le bouvier que je suis tire les bœufs que vous êtes.

Il se passe partout dans le monde, aujourd’hui plus que jamais, de véritables horreurs de toutes sortes provoquées par le racisme, l’intolérance, la tyrannie, le nationalisme, le gangstérisme, la barbarie, etc. Un vent de folie souffle sur l’esprit humain d’une manière planétaire. La panique cède à la raison. La peur se transforme en paranoïa et tout le monde s’agite, s’affole, se déglingue, se trémousse dans toutes les directions.
Tout le monde est dans la peur, le manque de confiance en soi, l’instabilité mentale, le déséquilibre intérieur. Rien ne va plus à l’intérieur des gens. Il existe des pistes pour essayer de changer quelque chose. Pas : changer le monde, vous n’y arriverez pas. Mais : se changer soi-même. Ça, on peut le faire. Alors avec mon tout petit niveau spirituel, avec mes tout petits moyens, voila ce que je peux dire pour l’avoir expérimenté : si vous êtes dans la peur et que vous pratiquez, par exemple, le Yoga alors allez-y à fond dans le Yoga et vous apaiserez vos peurs. Si vous êtes dans le manque de confiance en vous et que vous pratiquez le Taï Chi, le Qi Gong (Chi Kong) alors allez-y à fond dans le Taï Chi, le Qi Gong et vous diminuerez votre manque de confiance en vous. Si vous êtes dans l’instabilité mentale et que vous pratiquez le Kyudo alors allez-y à fond dans le Kyudo et vous assainirez votre instabilité mentale. Si vous vous sentez en déséquilibre à l’intérieur de vous-même et que vous pratiquez le Zen alors allez-y à fond dans le Zen et vous rééquilibrerez l’intérieur de vous-même. J’ai juste pris quatre exemples. Choisissez une Voie authentique, avec un enseignant authentique, qui va tout droit et évite de vous retrouver sur une voie de garage. Et sans hésitations, sans tergiversations ni apitoiements « y aller à fond ! ».

Changer et améliorer des petites choses à l’intérieur de soi, ça n’a l’air de rien, mais ça fait du bien et c’est la seule chose qu’on peut faire pour arriver à la droiture de l’Esprit.

Taïkan Jyoji

mardi 13 janvier 2015

Un dimanche pas comme les autres



L’information m’était parvenue le 9 janvier au soir :
Un hommage à la mémoire des événements tragiques qui se sont produits les 7 et 9 janvier aura lieu dimanche 11 à 11 heures sur la grande place devant la salle des fêtes de la Voulte, près de St Laurent du Pape.

Je me suis dit que je ne peux pas ne pas ne pas me rendre sur les lieux pour témoigner de ma solidarité. J’arrive 5 minutes en avance et trouve facilement à me garer, à 200 mètres du lieu de rencontre.

Me voici sur les lieux à 11 heures sonnantes et là, que vois-je ? Personne ! La place est déserte.

Alors je réalise que je dois me tromper d’endroit. Ou de date. Ou d’heure.

Alors tant pis, je défile immobile, tout seul au milieu de la place, sans bouger, les yeux clos, et je me dis que je suis Charlie et aussi que je suis juif, musulman, chrétien, bouddhiste, et je continue debout, les yeux fermés, seul sur cette grande place,

et je me dis qu’être tout ça je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, que face à mon inconsistance, mon action depuis que j’enseigne le Zen est-elle vouée à l’insignifiance ?

Je reste encore un moment immobile, me demandant comment rester l’esprit tranquille face à de si affreux et graves événements ?

Alors tout naturellement, toujours seul sur cette place un dimanche matin 11 janvier, je me suis mis à fredonner le Sutra-cœur (hannya shingyo),

et seul sur cette place un dimanche matin,

j’ai pleuré.

Taïkan Jyoji
© Taïkan Jyoji 2011